Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 3

Voici le troisième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de It’ll Never Be Me.

31 DAYS OF MAY : Jour 3. It’ll Never Be Me a été enregistrée en 1968, à la même époque que le chef-d’œuvre des Pretty Things S. F. Sorrow. Cette chanson n’est jamais sortie officiellement, mais elle fait partie de celles que le groupe interprète (ou fait semblant d’interpréter) dans le film What’s Good for the Goose (Phil n’est-il pas foutrement cool dans ce passage, avec sa chemise en soie noire et ses cheveux parfaits ?)

It’ll Never Be Me est un parfait exemple du talent de parolier de Phil. Il lui suffit de quelques coups de pinceau pour dépeindre la vie imaginaire d’un individu :

« Sad eyes turn away from the looking glass
Fingers trace the lines of the years that pass
Smears of light upon the lips of someone…
Standing by. »

L’image se précise au fur et à mesure qu’il ajoute des détails. Il s’agit d’une femme en deuil :

« Mother keeps the photograph of a child that’s dead,
The child of the fading name that’s never said
Bright fantaisies of this child’s life are spinning…
‘Round this mother’s head. »

Les harmonies éthérées du refrain prennent un peu de recul, temporairement : « No, it’ll never be me, looking at you that way. »

Les paroles sombres et laconiques de Phil contrastent avec le rythme dansant de la chanson, porté par la ligne de basse épaisse de Wally Waller, et avec le superbe jeu de guitare psychédélique sur deux pistes de Dick Taylor. C’est un paradoxe admirablement construit : la musique exubérante masque le désespoir existentiel des paroles. Un milk-shake à la fraise assaisonné de laudanum.

Le troisième et dernier couplet :

« Face presses against the window of an early train
Arms twist out the message of unspoken pain.
You wipe away a tear and then it starts…
To rain. »

Un autre jour commence. La vie continue.

Facebook, 22 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 2

Voici le deuxième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Judgement Day.

31 DAYS OF MAY : Jour 2. La sélection du jour provient du premier album des Pretty Things, enregistré à la fin de 1964 et sorti au début de l’année suivante. Judgement Day est l’un des points forts de ce disque, une interprétation sauvage en mode rock d’un titre du bluesman de Chicago Snooky Pryor remontant à 1956. La version originale de Pryor, sortie chez VeeJay, présente un rythme tranquille à la Jimmy Reed, mais celle des Pretty Things lui donne un électrochoc avec un riff saccadé à la I’m a Man / Hoochie Coochie Man. C’est une interprétation torride dominée par la guitare cinglante de Dick Taylor et la basse agile de John Stax. La performance vocale de Phil est incroyable : d’un vers à l’autre, voire d’un mot à l’autre, il passe sans peine d’un ronronnement sensuel à un hurlement sauvage. Par la suite, le producteur Bobby Graham a écrit que lorsqu’il était dans le studio, Phil donnait l’impression de faire une crise d’épilepsie quand il chantait, et c’était sans doute le cas sur cette chanson où il se donne à fond.

« When I’m dead, bury me deep
Tombstone women, head and feet
Fold those arms ‘cross my chest
Tell my daddy that I got a gift.

Phil a souvent changé ces paroles par la suite, en remplaçant « ‘cross my chest » par « ‘cross my crotch », ce qui donne au « Daddy, I’m comin’ » du refrain un tour nettement plus salace. Du pur Phil.

Facebook, 21 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 1

Bonne année 2021 à tous !

On s’accordera tous pour dire que 2020 restera dans les mémoires pour toutes les mauvaises raisons. Avant de lui dire enfin adieu et bon débarras, un petit point sur Defecting Grey. Le site a cru de 40 pages au cours de l’année et en compte désormais 472. Parmi les dernières créations, des fiches sur les EP français et britanniques des Pretty Things, une page sur Think Pink, l’album de Twink qui fêtait ses 50 ans cette année, et une frise chronologique simplifiée de l’histoire des Pretties, parce que je continue à découvrir des extensions de WordPress après tout ce temps. Outre ces nouvelles pages, les anciennes bougent aussi : les chronologies annuelles ont vu l’ajout de nombreuses dates et j’ai enfin rédigé une page digne de ce nom pour S. F. Sorrow, entre autres choses.

Et maintenant, pour inaugurer 2021, quelque chose de différent. En mai dernier, peu après l’annonce du décès de Phil May, Mike Stax, le fondateur de l’excellent fanzine Ugly Things, s’est lancé dans une série de messages sur Facebook intitulée 31 Days of May. Pendant un mois, chaque jour, il a mis en lumière une chanson des Pretty Things avec des commentaires aussi pertinents et informatifs que touchants. Il m’a généreusement permis d’offrir des traductions en français de ces messages sur Defecting Grey. Vous pourrez également les retrouver en VO dans le numéro 54 d’Ugly Things, qui contient un dossier en hommage à Phil May.

Pour démarrer du bon pied cette nouvelle année 2021, la première sans Phil, il y aura donc chaque jour de janvier un épisode de cette série sur Defecting Grey. En voici le premier, qui parle de Growing in My Mind.

31 DAYS OF MAY : Jour 1. J’ai décidé de poster une chanson par jour pendant 31 jours pour mettre en lumière le talent et la magie de Phil May. Je compte bien me concentrer sur quelques-unes des chansons les plus méconnues du répertoire des Pretty Things, comme celle-ci, tirée de leur album de 1967 Emotions. J’adore le ton très intime de la voix de Phil et ses paroles, simples mais évocatrices. On retrouve dans beaucoup de chansons de Phil l’idée de marcher seul dans les rues désertes de la ville, une activité qu’il aimait beaucoup. J’imagine que c’est pendant ces promenades que lui venaient ses idées.

« Morning has its magic as it slides in through my frame
With the first sign of dawn this picture leaves my brain
I search the streets of morning but I never find a trace
Then growing in my mind is the picture of a face.

Facebook, 20 mai 2020

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