Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 12

Voici le douzième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Trust. Contexte utile : il a été écrit pendant les manifestations et émeutes qui ont suivi la mort de George Floyd.

31 DAYS OF MAY : Jour 12. Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit. La ville était en feu, les hélicoptères dans le ciel, deux banques ont été détruites par les flammes. Le supermarché a été pillé et ravagé, comme d’autres sociétés, pour beaucoup des petites entreprises du coin. Il y a eu des fenêtres brisées à l’hôtel de ville et des graffitis sur les murs du poste de police et d’autres bâtiments dans tout le centre-ville. Ce matin, en me réveillant, j’ai vu les images de notre communauté en ruines, d’un pays plongé dans le chaos, d’un monde toujours en proie à une pandémie mortelle, et de l’absence totale de compassion et de compétence chez ceux qui nous gouvernent. On finira par s’en sortir. On trouvera une meilleure façon de vivre. Mais aujourd’hui, la chanson qui exprime le mieux ce que je ressens devant l’état du monde, c’est Trust.

“Excuse me please as I wipe a tear
Away from an eye that sees there’s nothing left to trust
Finding that their minds are grey
And there’s no sorrow in the world that’s left to trust.”

Phil a écrit ces couplets en 1968 dans le contexte de l’album S. F. Sorrow. Ils décrivent une phase de la vie de son protagoniste, Sebastian F. Sorrow, en quête de sens dans le monde qui l’entoure. Avec sa mélodie lancinante et ses superbes harmonies vocales, c’est l’une des chansons les plus poignantes de l’album. Elle est à la fois incroyablement triste et étrangement réconfortante. Dans le livret de l’album, Phil l’introduit par cette phrase : « Au matin, le lourd manteau du rêve ayant glissé de ses épaules, Sorrow partit à la recherche de nouvelles valeurs. »

Les paroles se terminent ainsi :

“You’re sitting on top of that white cloud
Looking ‘round for someone there to trust
Changing your mind as you go through time
You grasp at straws
But there are written laws that say you must.”

Alors que j’écris ces mots, je vois des messages et des photos de membres de notre communauté, réunis pour nettoyer les décombres et réparer les dégâts causés la nuit dernière. Peut-être que le manteau du rêve est bel et bien en train de glisser de nos épaules. Peut-être qu’ensemble, on peut découvrir de nouvelles valeurs, un nouveau futur. Peut-être qu’il reste des gens dignes de confiance.

Facebook, 31 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 11

Voici le onzième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Circus Mind.

31 DAYS OF MAY : Jour 11. Une nouvelle pépite cachée. Circus Mind se trouve aujourd’hui immanquablement dans les pistes bonus de Parachute, mais elle a été enregistrée plusieurs mois après la sortie de cet album. Elle a vu le jour en mai 1971, avec la non moins excellente Summertime, en face B du single Stone-Hearted Mama. C’est une vignette dépouillée et poignante, brève et douce-amère. Une seule guitare électrique et la voix de Phil, accompagné des douces harmonies vocales de Jon Povey et Wally Waller. Phil met son âme à nu dans cette performance pleine de douleur et d’émotion :

“As you burn
There’s one thing left to learn
With your circus mind
You really sank low.”

Une émotion qui n’avait rien de feinte. Sa relation avec l’actrice et mannequin Gala Mitchell était en train de prendre fin, et cet « esprit de cirque » n’était autre que le sien. « Elle avait une imagination incroyable, elle était pleine de fantaisie, m’a raconté Phil, et c’était une personne formidable, mais complètement folle. Je ne veux pas dire folle au sens médical, juste folle au sens de la vie. C’était quelqu’un d’extraordinaire. »

Cette chanson, c’était pour lui le moyen d’accepter la fin d’une histoire d’amour qu’il a décrit par la suite comme « brillante, mais pas viable, comme le sont souvent ces choses ».

“Though you find in some dark time
She’s dealt that card again
Will you still remember her tomorrow?
Though she’s flipped you on your back
You know she’ll do it again
Will you wait right there for her in sorrow?”

Le chagrin qui éclate dans cette dernière ligne est presque palpable. C’est un moment particulièrement fort. Un pansement arraché, une blessure mise à nu. Un dernier adieu.

“Now you’ve lost
There’s no more to cost
Life is gone
You’ve got to go.”

Quant à Gala… C’était l’une des égéries du grand couturier Ossie Clark. En 1967, elle a joué le rôle de Jane Morris dans Dante’s Inferno, un téléfilm réalisé par Ken Russell. Elle apparaît aussi sur la pochette arrière de l’album Transformer de Lou Reed.

Facebook, 30 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 10

Voici le dixième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Blue Turns to Red.

31 DAYS OF MAY : Jour 10. Le 8 mars 1999 sortait Rage Before Beauty, le premier album de nouvelles chansons des Pretty Things depuis près de vingt ans. Sa genèse fut longue et complexe : il a été écrit et enregistré de manière intermittente au cours d’une décennie. À la fin des années 90, le groupe avait retrouvé une certaine stabilité, en grande partie grâce aux efforts de l’imprésario-producteur Mark St. John. L’album a été bouclé par la formation de 1967, qui comprenait Phil May, Dick Taylor, Wally Waller, Jon Povey et Skip Alan, avec l’aide d’un nouveau guitariste, Frank Holland.

Blue Turns to Red, écrite par Phil et Frank, ne fait pas partie des chansons qui m’ont immédiatement fait lever l’oreille quand j’ai écouté l’album pour la première fois, mais elle m’a séduit petit à petit au point de devenir l’une de mes favorites. Elle a un groove tout simple qui fonctionne bien avec le piano électrique de Povey, deux parties de guitare (une qui joue beaucoup du trémolo) et des harmonies vocales superbes. Un harmonica (joué par Phil, je crois) apporte une tonalité bluesy et mélancolique à l’ensemble. Mais c’est la partie de chant de Phil qui scelle le succès de cette chanson : expressive, morose, pleine de nuances. Son instinct lui dictait toujours au mieux quelle phrase accentuer, ou même quelle syllabe. Il était complètement en phase avec le désespoir des paroles, qui nous conduisent à nouveau dans ces rues désertes au milieu de la nuit.

“The moon is high
The heavens black
The light is changed from these streets
The closing signs are hangin’ out
I feel like I’m just dead meat
The water’s dark
The sea so deep
The waves break over my head
The final cost
The longest street
The night blue turned to red.”

Phil aimait beaucoup improviser au chant à la fin des chansons, comme sur celle-ci : “Walked away, baby! Not comin’ back, no!” Personne ne faisait ça mieux que lui.

L’atmosphère générale de cette chanson rappelle beaucoup une autre création des Pretty Things, beaucoup plus ancienne : Me Needing You, une face B de 1966. Un prochain épisode lui sera peut-être consacré. D’ici là, profitez bien de Blue Turns to Red.

Facebook, 29 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 9

Voici le neuvième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Don’t Bring Me Down.

31 DAYS OF MAY : Jour 9. Avec cette série, je compte bien attirer l’attention sur quelques perles oubliées, mais il me semble qu’il faut aussi évoquer quelques-uns des plus gros tubes. Don’t Bring Me Down s’est classée dans le Top 10 britannique à l’automne 1964, la meilleure performance du groupe dans les hit-parades de son pays d’origine. C’est un titre extraordinaire, notamment grâce à la partie de chant de Phil, glorieusement sauvage et pleine de tension sexuelle. Même si elle a été écrite par Johnny Dee, une connaissance singulière du groupe, les arrangements sont à 100 % Pretty Things. La batterie grondante de Viv Prince dicte la structure hachée de la chanson, qui est aussi ponctuée par des battements de mains et un tambourin.

“I’m on my own
Just wanna roam
I tell you, man
Don’t need a home…”

Et ensuite, la charge est sonnée et tout le monde s’y engouffre :

“I wander ‘round, feet off the ground…”

C’est un mélange anarchique de guitare bluesy, de basse grondante et d’harmonica cinglant qui éclate… avant de repartir au début.

Les Pretty Things se considéraient peut-être encore comme un groupe de rhythm and blues à ce stade, mais quelle sorte de rhythm and blues est-ce là ? Il y a du rythme, et il y a du blues, mais ce ne sont pas des garçons anglais blancs qui essaient de se faire passer pour des noirs. C’est une forme mutée de ce genre, qui a subi un traitement d’art school. Une erreur de la nature. Un éclair de génie.

Phil n’avait que 19 ans à l’époque. Avec Don’t Bring Me Down, il se libère de toute contrainte et trouve sa maturité comme chanteur. Il se donne à fond, sa voix oscillant entre sensualité narquoise et jouissance totale.

“I got this pad
Just like a cave
And then we had a little rave.
And then I laid her on the ground
My head is spinnin’ ‘round
Don’t bring me down.”

C’est une chanson qui parle de sexe, de coups d’un soir sur des planchers dégueulasses. On entend presque le sourire de Phil qui savoure certains passages, notamment celui-ci :

“I need a lover
Yes, someone new.
And then to him
I will be true.”

Him, pas her. Cet aveu discret et spontané a échappé à la plupart des gens à l’époque, mais pour les marginaux qui vivaient encore en partie dans les ombres, c’était sans doute un message : vous n’êtes pas seuls. On était en 1964 et l’homosexualité ne serait pas dépénalisée au Royaume-Uni avant quelques années encore. Ce n’était pas la dernière fois qu’une chanson des Pretty Things abordait la question de l’orientation sexuelle, directement ou pas.

Cette chanson-ci, quant à elle, poursuit sa route vers sa conclusion cacophonique :

“But until then I’ll stay as I am
Said I dig it, man
Don’t bring me down.”

Au cours des deux dernières décennies, quand le groupe jouait cette chanson, ils ralentissaient progressivement quand ils arrivaient à la fin : “Don’t bring me down… Don’t bring me down… Don’t… bring… me…” Et puis soudain, Phil s’écriait : “Don’t bring me down, motherfucker!”

Facebook, 28 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 8

Voici le huitième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Balloon Burning.

31 DAYS OF MAY : Jour 8. Comme vous le savez, Balloon Burning figure sur l’album S. F. Sorrow, enregistré à Abbey Road, produit par Norman Smith et sorti fin 1968. Dramatiquement ignoré en son temps, cet album-concept novateur est aujourd’hui considéré à juste titre comme un chef-d’œuvre psychédélique et l’un des sommets de la carrière du groupe. Balloon Burning, composée par Phil May, Dick Taylor, Wally Waller et Jon Povey, compte parmi les nombreux points forts du disque. À l’époque, Forever Changes du groupe Love était l’un des albums fétiches de Dick et le riff de guitare inhabituel qui traverse la chanson s’inspire de A House Is Not a Motel. C’est un titre d’une intensité féroce : la guitare fuzz incendiaire de Taylor contraste avec les harmonies vocales millimétrées et menaçantes du groupe. Dans la chanson, Sebastian F. Sorrow voit sa bien-aimée périr dans une catastrophe aérienne. Les paroles de Phil en offrent des images éclatées et lapidaires.

“Fragments of my life
Falling
Sky of fire
All consuming
Then I see
Balloon is burning
Turning ‘round
Burning.”

En octobre 2001, un mois après les attentats du 11 septembre, Anja et moi nous sommes rendus à Londres en avion pour aller voir les Pretty Things, qui interprétaient S. F. Sorrow en entier sur la scène du Royal Festival Hall. C’était un moment particulièrement marquant et émouvant pour diverses raisons, notamment parce que le groupe commençait enfin à recevoir la reconnaissance qu’il mérite. Je me suis surpris à verser quelques larmes de joie au milieu de Balloon Burning. Peut-être même davantage que « quelques ». À la fin du concert, quand j’ai retrouvé Phil en coulisses, je lui ai rapporté ce moment de vulnérabilité. « Ne rigole pas, mais pendant Balloon Burning je pleurais comme une petite fille. » « Et pourquoi ça ? a-t-il rétorqué en souriant. Dick était vraiment si désaccordé que ça ? »

Facebook, 27 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 7

Voici le septième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Grass.

31 DAYS OF MAY : Jour 7. Phil May et Wally Waller ont écrit beaucoup de chansons superbes ensemble, mais aucune ne l’est davantage que Grass, parue en 1970 en ouverture de la face 2 de l’album Parachute. Ce disque avait pour thème la fuite de la ville pour se réfugier à la campagne, et les paroles de Phil dépeignent le contraste entre ces deux environnements : la beauté verdoyante et idyllique de la campagne anglaise, où l’attend sa bien-aimée, et l’univers cruel et indifférent de la ville. Ces vers romantiques et pleins de languir comptent parmi ses plus beaux.

“As silver tears they weave and lace
Sad patterns upon her face
She waits for you
So low below a laser sun
Through velvet fields she runs
Reaching for you.
And so you bleed now,
Your hand holds the knife
That is tearing your life apart
Why don’t you leave now?
The city’s too heavy
And your dreams they melt in the sun.”

Et la manière dont Phil les chante est absolument parfaite. En fait, tout est parfait sur Grass, de la production luxuriante de Norman Smith aux performances des différents membres du groupe, en particulier Wally, qui est responsable non seulement de la partie de guitare acoustique qui traverse la chanson, mais aussi de la fabuleuse ligne de basse à la McCartney qui coule toute seule. Des nuages de mellotron cotoneux se mêlent aux harmonies entrelacées de May, Waller et Povey pour contribuer à cette atmosphère onirique, tandis que Victor Unitt apporte un jeu de guitare électrique plein de lyrisme. Et, encore une fois, ces paroles…

“On mellow blue, birds curve and glide
Through shadows of grief she slides
She waits for you.
There on a hill before the dawn
In silence a promise torn
She turns from you.”

Comme les oiseaux, la coda glisse et tourne dans les cieux d’un bleu tendre, les lignes de claviers sont reprises en harmonie par la guitare, qui leur répond d’un tendre sanglot : “As silver tears they weave and lace… She waits for you…” La chanson plane doucement, comme pour atterrir, puis repart dans une série de fausses fins. Et puis, “There on a hill before the dawn… She turns from you…”, et avec ces dernières notes en glissando, la chanson atterrit pour de bon tandis que le soleil se lève pour faire fondre nos rêves, une nouvelle fois.

Facebook, 26 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 6

Voici le sixième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Remember That Boy.

31 DAYS OF MAY : Jour 6. En 1974, les Pretty Things ont signé chez Swan Song, le label de Led Zeppelin, et ils ont failli percer en Amérique. Ils ont sorti deux albums chez Swan Song, tous deux produits par Norman Smith, avant de se séparer avec perte et fracas en 1976, quand Phil est parti se perdre au milieu de nulle part. Remember That Boy est l’un des points forts de leur deuxième album Swan Song, Savage Eye : un rock tendu et bourré d’énergie, avec une production léchée. Le batteur Skip Alan est particulièrement dynamique et joue avec jubilation sur la batterie Ludwig verte qui avait appartenu à John Bonham. Les paroles, qui comptent parmi les plus évocatrices de Phil durant cette période, forment une ode à certains de ses amis qui avaient perdu tout contact avec la réalité à la fin des Sixties :

“You’re amazingly graced
Doesn’t show your face
You’re lysergically removed from what you were.”

« Ça parlait de gens qu’on connaissait et qui avaient changé », m’a expliqué Phil, en donnant Syd Barrett comme exemple. « Isolé lysergiquement de ce que tu étais : on voyait pas mal de gens dans cet état-là, et c’était triste parce qu’on se souvenait de comment ils étaient avant. Et d’une certaine manière, eux [aussi] s’en souvenaient, et ça rendait les choses encore pires pour eux. Je n’ai jamais oublié ce passage fabuleux du livre de Virginia Woolf où elle raconte sa descente dans la folie. Elle dit que le plus douloureux, c’est de le voir dans les yeux de sa famille. Elle pouvait voir la douleur dans leurs yeux, et c’était encore plus douloureux pour elle que sa propre douleur. Comme quand quelqu’un te prend en pitié, c’est presque comme si leur douleur se réfléchissait sur toi. »

Le roman de Virginia Woolf dont parlait Phil est Mrs. Dalloway, paru en 1925. Il faisait souvent ce genre d’allusion en conversation. J’ai souvent fini par acheter des livres qu’il me recommandait : une autre manière dont il a enrichi ma vie. Ce goût pour la littérature se reflète également dans ses paroles, bien sûr, et ce presque dès le début. On aura l’occasion d’en reparler.

Facebook, 25 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 5

Voici le cinquième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Sittin’ All Alone.

31 DAYS OF MAY : Jour 5. Quand j’ai commencé à collectionner les disques des Pretty Things, à la fin des années 70, le seul endroit om l’on pouvait dénicher Sittin’ All Alone était sur l’EP de 1965 Rainin’ in My Heart. C’est clairement un titre obscur, une orpheline, un joyau caché, une récompense pour les vrais aventuriers. Et quelle récompense ! Une ballade profonde, atmosphérique et contemplative, « parfaite pour écouter tard dans la soirée », comme on pouvait le lire sur les pochettes arrière de leurs disques à l’époque. L’euphémisme est subtil… Cette chanson a été écrite pendant l’été de 1965 par Phil May et Dick Taylor avec leur ami Ian Sterling. Le ton de la guitare de Dick est incroyable, avec une utilisation discrète de la distortion et du sustain. Écoutez juste la note basse qu’il joue entre ces deux vers, époustouflante et magique, une chute du ciel vers le caniveau :

« The records I play they make me feel sad.
I’m reminded of times that we once had. »

Ces paroles pleines de larmes sont encore plus poignantes pour les fans des Pretty Things aujourd’hui. Eux aussi sont assis tout seuls, à écouter leur musique en essayant de juguler le chagrin causé par une immense perte tandis que déferlent les souvenirs suscités par ces chansons. Impossible de ne pas adorer les bredouillements blessés de Phil sur ce titre : le chanteur maudit, un peu stone, qui laisse échapper des cris de désespoir çà et là. « Walking by myself, wet streets cry for me. » Les rues désertes servent de décor à beaucoup de ses chansons, comme je l’ai remarqué dans un précédent message. Nous les arpenterons encore avec lui au cours des prochains jours.

Facebook, 24 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 4

Voici le quatrième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Dark Days.

31 DAYS OF MAY : Jour 4. À l’automne 2014, l’avenir des Pretty Things semblait compromis. Phil May était hospitalisé à Londres et on lui avait diagnostiqué un BCPO et un emphysème. Les docteurs l’avaient prévenu : s’il ne changeait pas radicalement de mode de vie, il ne lui restait que quelques mois à vivre.

Et pourtant, l’année suivante, Phil était plus vaillant que jamais. Il avait repris les routes avec les Pretty Things, et cet été-là, le groupe publiait un superbe nouvel album, The Sweet Pretty Things (are in bed now, of course…). Cette guérison miraculeuse était en grande partie due au soutien des autres membres du groupe, de ses amis, de sa famille et des fans. J’ai organisé une campagne de lettres et Phil a reçu des douzaines de lettres d’encouragement de la part de ses fans, qui ne mâchaient pas tous leurs mots. Cette année-là, quand j’ai vu Phil à Londres, il m’a raconté à quel point ces lettres l’avaient ému, qu’il les avait relues encore et encore et qu’elles lui avaient apporté un grand réconfort. Il en citait une de tête : « T’as pas intérêt à clamser, enfoiré, on a besoin de toi ici. »

Dark Days est l’un des sommets de l’album dont je parlais. Écrite par Phil avec le guitariste Frank Holland, c’est une chanson monolithique et menaçante, soutenue par un riff épais à la Led Zeppelin. Les paroles de Phil sont puissantes. Après avoir regardé la mort dans les yeux, il a conscience de la fragilité de la vie et il a l’impression que le monde s’effondre autour de lui.

“Tears flow and they inundate me
When sun dies there’ll be nothing to see
As life fades
You’re almost believing
In these dark days
I feel like it’s all going down.”

Facebook, 23 mai 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 3

Voici le troisième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de It’ll Never Be Me.

31 DAYS OF MAY : Jour 3. It’ll Never Be Me a été enregistrée en 1968, à la même époque que le chef-d’œuvre des Pretty Things S. F. Sorrow. Cette chanson n’est jamais sortie officiellement, mais elle fait partie de celles que le groupe interprète (ou fait semblant d’interpréter) dans le film What’s Good for the Goose (Phil n’est-il pas foutrement cool dans ce passage, avec sa chemise en soie noire et ses cheveux parfaits ?)

It’ll Never Be Me est un parfait exemple du talent de parolier de Phil. Il lui suffit de quelques coups de pinceau pour dépeindre la vie imaginaire d’un individu :

« Sad eyes turn away from the looking glass
Fingers trace the lines of the years that pass
Smears of light upon the lips of someone…
Standing by. »

L’image se précise au fur et à mesure qu’il ajoute des détails. Il s’agit d’une femme en deuil :

« Mother keeps the photograph of a child that’s dead,
The child of the fading name that’s never said
Bright fantaisies of this child’s life are spinning…
‘Round this mother’s head. »

Les harmonies éthérées du refrain prennent un peu de recul, temporairement : « No, it’ll never be me, looking at you that way. »

Les paroles sombres et laconiques de Phil contrastent avec le rythme dansant de la chanson, porté par la ligne de basse épaisse de Wally Waller, et avec le superbe jeu de guitare psychédélique sur deux pistes de Dick Taylor. C’est un paradoxe admirablement construit : la musique exubérante masque le désespoir existentiel des paroles. Un milk-shake à la fraise assaisonné de laudanum.

Le troisième et dernier couplet :

« Face presses against the window of an early train
Arms twist out the message of unspoken pain.
You wipe away a tear and then it starts…
To rain. »

Un autre jour commence. La vie continue.

Facebook, 22 mai 2020

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