Voici le vingtième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Grey Skies.
31 DAYS OF MAY : Jour 20. Hier, on avait laissé Phil seul sur son banc, reflété par le ciel. Aujourd’hui, l’histoire continue, comme si on avait laissé tourner les caméras à la fin de Defecting Grey.
“You, you left me with your skies
Your skies are grey ‘til dawn
You, you left me with your rain
Like the tears I cried in vain.”Pour se faire un peu d’argent de poche, les Pretty Things enregistraient à l’occasion des chansons pour le catalogue musical De Wolfe, sous le pseudonyme d’Electric Banana. Les séances étaient brèves et peu coûteuses et le groupe leur réservait généralement les compositions qu’ils jugeaient de moindre qualité. Elles étaient pressées par De Wolfe sur des disques aux pochettes banales et utilisées contre un paiement forfaitaire raisonnable dans des séries télé ou des films à petit budget. Enregistrée à la fin de l’année 1967, Grey Skies est l’une des six chansons du LP More Electric Banana, publié au début de 1968. Seuls quatre membres du groupe sont présents. Apparemment, Skip Alan était indisponible, donc Jon Povey a laissé ses claviers à la maison pour s’installer derrière la batterie (instrument dont il jouait cinq ans plus tôt au sein des Fenmen) et le groupe fonctionne plus ou moins comme un power trio : Dick Taylor à la guitare, Wally Waller à la basse, Povey à la batterie et Phil au chant, bien sûr. Cette version allégée fonctionne particulièrement bien ici : la ligne de basse de Wally, complexe mais adoucie par la compression, dirige la chanson, Dick fait pleurer sa guitare comme lui seul sait le faire, et Povey donne tout ce qu’il a derrière les fûts avec quelques roulements dynamiques bien sentis. L’ambiance du direct est là, et la mélodie vocale est mémorable, le ton narquois de Phil masquant ses larmes.
“You, you got me going backwards
I don’t know where to go
You, you’re driving me out of my brain
You know I’ll go insane.”Les Pretty Things avaient déjà commencé à travailler sur S. F. Sorrow (en fait, une version primitive de I See You apparaît sur l’album d’Electric Banana) et il est probable que Phil ait eu des images de cette histoire plein la tête au moment d’écrire les paroles de Grey Skies (qui fait aussi allusion à une ancienne chanson du groupe).
“You, you left me world of sorrow
And I can’t stand the pain
You, you left me in the shadow
Will I see the sun again?”Il répond à sa propre question sans réfléchir : “I don’t know!” Parfait.
Pour vendre la chanson à De Wolfe pour quelques kopecks, le groupe devait la considérer comme dispensable, mais je la considère depuis longtemps comme une perle méconnue. J’en ai parlé à Phil à quelques reprises, mais il n’en gardait pas le moindre souvenir. C’était typique de sa part : il allait toujours de l’avant, sans jamais regarder en arrière. Après l’acte de création, il laissait le résultat de côté pour passer à la suite. Que d’autres s’amusent à encadrer et analyser son œuvre : lui était passé à autre chose.
Facebook, 9 juin 2020