Voici le vingt-neuvième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Mama, Keep Your Big Mouth Shut.
31 DAYS OF MAY : Jour 29. Je le disais hier : d’après Phil, Bo Diddley coulait dans leurs veines. « En une seule chanson, Pretty Thing, se trouvait mon futur complètement bouleversé, a-t-il écrit dans Ugly Things, et une bonne idée de nom pour notre groupe d’école d’art fraîchement formé. »
L’espace d’un instant, ils ont même envisagé de s’appeler Jerome & the Pretty Things en hommage au légendaire bras droit de Bo, son joueur de maracas fétiche, mais en fin de compte, ce furent THE PRETTY THINGS tout court. Leur premier single était propulsé par le Bo Diddley beat, et au moment d’enregistrer leur premier disque, fin 1964, quatre des douze morceaux qu’ils choisirent étaient signés Bo Diddley.
Évidemment, ils ne pouvaient pas passer à côté de Pretty Thing (avec un message adressé au maître : « We thank you, Bo, for the name… »). Leur version déchaînée de Roadrunner est devenue partie intégrante de leur répertoire, et ils ont fait de l’alanguie She’s Fine She’s Mine un morceau à l’atmosphère époustouflante. Mais aujourd’hui, j’ai envie de parler de Mama, Keep Your Big Mouth Shut, ou comme Phil s’entêtait à l’appeler, Hey Mama. Leur interprétation dégage une impression de liberté absolue, d’abandon sauvage qui oscille au bord du chaos total. Dick présente le riff principal avec une dose de trémolo, la basse tonnante de John Stax s’enroule autour, Brian Pendleton apporte la guitare rythmique essentielle, Viv dirige le rythme avec intensité, et Stax et Pendleton entonnent le titre. Phil est explosif comme jamais et introduit chaque phrase avec un cri déchirant :
“I’M IN LOVE with your little girl
And your little girl’s in love with me
I’M so happy most all the time
And that’s how we’re gonna be
Keep your big mouth shut…”Ils ralentissent brièvement avant que le hurlement de Phil ne les précipite dans une section déjantée au tempo doublé. La guitare de Dick crache et crépite au premier plan de cette masse d’énergie sans direction avant que le thème principal ne fasse son retour, bien trop vite. Ce passage aurait dû durer dix fois plus longtemps, et c’était sans doute le cas sur scène.
La version de Bo présente un deuxième couplet, mais Phil a eu la flemme de l’apprendre (typique) et se contente donc de répéter le premier. La veille de Noël 1964, les télespectateurs qui regardaient Beat Room sur BBC 2 ont néanmoins eu droit à un changement significatif dans les paroles : « I’m in love with your little girl, and your little boy‘s in love with me! » (Cette version est disponible sur le disque Rarities du coffret Bouquets from a Cloudy Sky.)
Pour conclure, voici Bo Diddley vu par Phil. « Pour nous, Bo était un dieu. Son rythme pulsant avec ses paroles comme des mantras, ça vous clouait au sol. Ce bon vieux Chuck nous offrait des vignettes très pénétrantes sur ce que c’était d’être un Afro-Américain dans une société de consommation blanche, mais Bo était davantage en phase avec son « chamane » intérieur. Il tirait sa puissance d’une source plus subliminale et primitive, une brûlure lente et cuisante qui s’insinuait sous la peau. »
C’est cette intensité subliminale et primitive que Phil cherchait à obtenir avec les Pretty Things. Sur cette chanson, il y est arrivé.
Facebook, 18 juin 2020