Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 29

Voici le vingt-neuvième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Mama, Keep Your Big Mouth Shut.

31 DAYS OF MAY : Jour 29. Je le disais hier : d’après Phil, Bo Diddley coulait dans leurs veines. « En une seule chanson, Pretty Thing, se trouvait mon futur complètement bouleversé, a-t-il écrit dans Ugly Things, et une bonne idée de nom pour notre groupe d’école d’art fraîchement formé. »

L’espace d’un instant, ils ont même envisagé de s’appeler Jerome & the Pretty Things en hommage au légendaire bras droit de Bo, son joueur de maracas fétiche, mais en fin de compte, ce furent THE PRETTY THINGS tout court. Leur premier single était propulsé par le Bo Diddley beat, et au moment d’enregistrer leur premier disque, fin 1964, quatre des douze morceaux qu’ils choisirent étaient signés Bo Diddley.

Évidemment, ils ne pouvaient pas passer à côté de Pretty Thing (avec un message adressé au maître : « We thank you, Bo, for the name… »). Leur version déchaînée de Roadrunner est devenue partie intégrante de leur répertoire, et ils ont fait de l’alanguie She’s Fine She’s Mine un morceau à l’atmosphère époustouflante. Mais aujourd’hui, j’ai envie de parler de Mama, Keep Your Big Mouth Shut, ou comme Phil s’entêtait à l’appeler, Hey Mama. Leur interprétation dégage une impression de liberté absolue, d’abandon sauvage qui oscille au bord du chaos total. Dick présente le riff principal avec une dose de trémolo, la basse tonnante de John Stax s’enroule autour, Brian Pendleton apporte la guitare rythmique essentielle, Viv dirige le rythme avec intensité, et Stax et Pendleton entonnent le titre. Phil est explosif comme jamais et introduit chaque phrase avec un cri déchirant :

“I’M IN LOVE with your little girl
And your little girl’s in love with me
I’M so happy most all the time
And that’s how we’re gonna be
Keep your big mouth shut…”

Ils ralentissent brièvement avant que le hurlement de Phil ne les précipite dans une section déjantée au tempo doublé. La guitare de Dick crache et crépite au premier plan de cette masse d’énergie sans direction avant que le thème principal ne fasse son retour, bien trop vite. Ce passage aurait dû durer dix fois plus longtemps, et c’était sans doute le cas sur scène.

La version de Bo présente un deuxième couplet, mais Phil a eu la flemme de l’apprendre (typique) et se contente donc de répéter le premier. La veille de Noël 1964, les télespectateurs qui regardaient Beat Room sur BBC 2 ont néanmoins eu droit à un changement significatif dans les paroles : « I’m in love with your little girl, and your little boy‘s in love with me! » (Cette version est disponible sur le disque Rarities du coffret Bouquets from a Cloudy Sky.)

Pour conclure, voici Bo Diddley vu par Phil. « Pour nous, Bo était un dieu. Son rythme pulsant avec ses paroles comme des mantras, ça vous clouait au sol. Ce bon vieux Chuck nous offrait des vignettes très pénétrantes sur ce que c’était d’être un Afro-Américain dans une société de consommation blanche, mais Bo était davantage en phase avec son « chamane » intérieur. Il tirait sa puissance d’une source plus subliminale et primitive, une brûlure lente et cuisante qui s’insinuait sous la peau. »

C’est cette intensité subliminale et primitive que Phil cherchait à obtenir avec les Pretty Things. Sur cette chanson, il y est arrivé.

Facebook, 18 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 28

Voici le vingt-huitième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Rosalyn.

31 DAYS OF MAY : Jour 28. Quand Jimmy Duncan, co-imprésario des Pretty Things, leur a présenté la chanson qu’il voulait qu’ils enregistrent pour leur premier single, ils n’ont pas été franchement impressionnés. C’était une chanson qu’il avait écrite lui-même et dont il avait enregistré une démo au piano aux studios Regent Sound. « Elle sonnait très Denmark Street [NdT : la rue historique des éditeurs de musique à Londres, équivalente du Tin Pan Alley new-yorkais, avec tout ce que ça connote d’un peu ringard], très écossaise, se souvient Dick Taylor. C’était une chanson bonne pour un comique écossais. On s’est vraiment dits, « Mais bordel, qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire ? »

Et ce qu’ils en ont fait, bordel, c’est une transformation intégrale autour d’un Bo Diddley beat accéléré, avec une boucle de basse et un peu de guitare slide pour faire bonne mesure. « C’était malin de notre part, m’a rapporté Phil par la suite, mais Diddley coulait tellement dans nos veines à l’époque que c’était tout naturel pour nous de s’en servir comme cadre pour la chanson. »

Premier single des Pretty Things, Rosalyn est sortie en mai 1964. 56 ans plus tard, sa fraîcheur et sa férocité sont toujours aussi brutales. Tous les ingrédients sont parfaits, dont, bien sûr, la voix sauvage et pleine de défiance de Phil. L’excitation et l’énergie sont maximales. D’après la légende, pour la dernière prise, Phil secouait tellement fort ses maracas que l’une d’elles s’est brisée. « Si vous écoutez bien le disque, vous devriez pouvoir l’entendre », confia Viv Prince au magazine Beat Instrumental. Après plusieurs milliers d’écoutes, tout ce que j’entends, c’est le son de mon esprit qui se brise. À mes yeux, c’est le meilleur single de rock ‘n’ roll de tous les temps. On n’a jamais fait mieux.

Il y a dix ans de cela, pendant un concert à Stoke on Trent, les Pretty Things m’ont invité à les rejoindre sur scène pour chanter Rosalyn avec Phil dans le même micro. C’était une petite surprise qu’ils me réservaient, Dick et lui. Ce souvenir m’est d’autant plus précieux maintenant que Phil nous a quittés.

Facebook, 17 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 27

Voici le vingt-septième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de My Time.

31 DAYS OF MAY : Jour 27. À la fin de 1966, les Pretty Things étaient dans un triste état. Leurs disques n’étaient pas apparus dans les charts depuis plus d’un an, autant dire une éternité à l’époque. Fontana leur mettait la pression pour qu’ils sortent un hit, et les concerts commençaient à se raréfier. En pleine crise de confiance, Phil envisagea sérieusement de tout laisser tomber pour retourner en école d’art. Plus tôt dans l’année, il rendit visite à John Sturgess, l’enseignant qui avait été son mentor à la Sidcup Art School et qui était devenu directeur d’un département à la Central School of Art and Design. « Je lui ai dit que j’en avais ma claque et que je voulais peindre », se souvenait Phil. Au terme d’une longue conversation à cœur ouvert, Sturgess parvint à le convaincre de continuer. Il lui indiqua qu’il pourrait reprendre ses études d’art à tout moment, mais que son développement artistique bénéficierait davantage de l’expérience accumulée dans le monde de la musique. « Je ne vois vraiment pas pourquoi vous voudriez passer les trois prochaines années à Southampton Row alors que vous pourriez faire le tour du monde avec un carnet à dessin », lui dit Sturgess.

Convaincu, Phil se remit au boulot, mais une voie semée d’embûches l’attendait. Le guitariste rythmique Brian Pendleton était parti sans prévenir, sans être remplacé, et le bassiste John Stax était sur le point de mettre les voiles lui aussi. Le groupe tenait à peine debout au moment d’entamer son troisième album, Emotions. Leur nouveau producteur, Steve Rowland, les poussa dans une direction plus pop et commerciale. Cette nouvelle approche ne plaisait pas du tout à Phil, mais il fit de son mieux malgré tout. Son désenchantement est palpable sur My Time, l’un des premiers morceaux enregistrés pour l’album. Les paroles, quasiment en courant-de-pensée, tentent de résoudre un paradoxe émotionnel. Voici une pop star de 22 ans au cœur du Swinging London. Le succès et le bonheur sont à portée. Alors pourquoi est-ce qu’il se sent comme de la merde ?

“If it’s my time, why am I sad?
If it’s my time, why aren’t I glad?
Should the grass grow all under my feet
If it’s my time?”

Phil et Dick sont apparemment les seuls Pretty Things présents sur la piste de base. Des musiciens de studio (parmi lesquels des membres de The Herd) les accompagnent, une autre source de déplaisir pour Phil. Wally Waller et Jon Povey n’ont rejoint le groupe qu’après l’enregistrement de cette piste de base, mais ils parviennent tout de même à embellir la chanson de leurs harmonies vocales en « ouh-ouh » à la Beach Boys. Mais c’est la ligne de guitare vibrante de Dick qui conduit la chanson. « C’était une sorte de riff à la Wish You Would ou Diddley Daddy, mais jouée poliment, raconte Dick. Pas de couper-coller, bien sûr, juste un riff incessant. » Les cuivres cancannent bien trop fort à cause du mixage, et la harpe est un ajout un peu incongru, mais qui fonctionne. Le chant de Phil, enregistré dans l’atmosphère fantomatique de la chambre réverbérante de Stanhope Place, est stupéfiant. Sur cet album, il franchit clairement un palier en tant que chanteur.

Sur My Time, il documente en temps réel sa désillusion.

“If I loved you, would I be so cool?
Would I stand there
Lookin’ at you this way?
If I needed one ray of sunshine now
If it’s my time.”

L’espoir arrive avec ce rayon de soleil. Peut-être qu’il s’en sortira avec un peu d’aide. La chanson se calme brièvement, puis commence à monter en puissance.

“If I took you
Took you for my own
Would you help me?
Help me reach the top?
Can we climb now?
Keep on going up
And make it our time
Make it our time…
Give me help…”

Il se met à improviser ensuite, comme lui seul savait le faire, avec des variations toujours différentes sur les paroles ou sur la mélodie, en mettant l’accent sur une autre syllabe. La température monte, il laisse libre cours à sa passion pour l’art.

“You gotta help me now…
You gotta make it our time
You got it make it my…”

My Time est la dernière piste de Emotions, et elle est également sortie en face B du single Children dans un mixage mono différent. Pour les fans des Pretty Things, elle a acquis une sorte de statut d’outsider. Dick Taylor aussi l’aime beaucoup. Phil, pas du tout. Je lui ai dit plusieurs fois à quel point sa performance était stupéfiante, mais ce compliment ne lui faisait ni chaud ni froid. Pour lui, cette chanson était un compromis artistique qui ne méritait aucun commentaire de sa part. S’il l’avait pu, il aurait arraché cette page de son carnet à dessin pour la jeter à la poubelle.

Facebook, 16 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 26

Voici le vingt-sixième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle d’Alexander.

31 DAYS OF MAY : Jour 26. Phil May avait sans doute à l’esprit Alexandra May, sa petite amie actrice, quand il a écrit les paroles d’Alexander, mais l’inspiration principale de la chanson est le Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell. Phil était obsédé par les quatre romans qui constituent cette tétralogie (Justine, Balthazar, Mountolive et Clea) et leurs personnages et décors ont servi de source à ses paroles. Les événements du Quatuor de Durrell prennent place juste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le port égyptien d’Alexandrie.

“Eastern shores they seem to full of promise
Minarets they lacerate the skyline
On pulsing seas we drift into the harbor
Gulls they dive with screams of Alexander.”

Le premier couplet, descriptif et poétique, emprunte aux pages de Durrell ses métaphores, avant que le refrain n’adopte un ton plus direct et personnel, impératif même :

“You loving me… love the fire god!”

Phil est passé d’Alexandrie à Alexandra. « La musique n’est que de l’amour en quête de mots », écrivait Durrell en 1945 dans son poème « Conon à Alexandrie », et c’est ce que Phil nous offre avec cette chanson. Et quelle musique ! La batterie cliquante de Twink introduit un rythme irrésistible fondé sur les riffs entrelacés de basse et de guitare autour desquels Jon Povey ajoute des lignes de claviers qui flottent comme des fantômes dans les espaces laissés vierges, s’unissant de temps à autres à la guitare fuzz de Dick Taylor. C’est une chanson pleine de force et d’énergie, mais aussi pleine de réflexion et d’étrangeté. Du rock ‘n’ roll avec la tête pleine de Durrell et le cœur plein de flammes. Le deuxième couplet cite deux des personnages principaux du Quatuor, Balthazar et David Mountolive. Son langage poétique rend hommage au style de Durrell.

“Balthazar consults his book of numbers
Buildings jangle with the children’s laughter
Mountolive gathers eyes on distant beaches
A woman’s face dissolves, I hear her screeches.”

L’une des raisons pour lesquelles Phil aimait autant le Quatuor d’Alexandrie, c’est qu’il connaissait bien le paysage nord-africain et méditerranéen que décrivent ces livres. Je ne crois pas qu’il soit allé à Alexandrie, mais il a visité le Maroc (il s’est rendu à Tanger dès 1965, un an avant que les Stones n’y mettent les pieds) et les îles grecques où le narrateur de Durrell commence son récit.

Alexander aurait peut-être dû avoir quatre couplets pour correspondre parfaitement au Quatuor, mais elle s’arrête à trois. Après tout, c’est une chanson de rock. Le dernier couplet ressemble à un chapitre final (pour Phil, pas pour Durrell) : il présente des dénouements tout en laissant le récit général ouvert.

“Poet dies stabbed with the knife of words
Young girl marries with bouquet of letters
One life explodes and slides into the sea
The city lies there hid beneath the curses.”

Alexander est peut-être l’une des meilleures chansons des Pretty Things. C’est à peine croyable qu’elle ne soit parue sur aucun de leurs disques à l’époque. Ils l’ont jouée dans un nanar idiot, et puis ils l’ont laissée prendre la poussière dans un catalogue musical sous le nom d’Electric Banana. Mais c’était la routine pour les Pretty Things en 1968. Ils avaient presque fini S. F. Sorrow. Ils avaient les bras chargés de trésors, alors ils ne faisaient pas vraiment attention quand ils faisaient tomber un ou deux diamants derrière eux.

Facebook, 15 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 25

Voici le vingt-cinquième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de The Sun.

Phil May et Wally Waller ont grandi dans la même rue d’Erith, dans le Kent. Ils se sont liés d’amitié à l’âge de quatre ou cinq ans, une amitié brisée lorsque Phil a été enlevé à Flo et Charlie (le couple qui l’avait éduqué et qu’il croyait être ses vrais parents) pour être confié à sa mère biologique et son beau-père, qui vivaient à Sidcup. Il avait neuf ou dix ans. À partir de là, Phil et Wally ont vu leurs destins diverger, le second abandonnant son apprentissage d’électricien pour rejoindre les Fenmen (à l’origine Bern Elliott & the Fenmen), le premier entrant à la Sidcup Art School et fondant les Pretty Things. Leurs chemins ont continué à se croiser, pourtant, souvent sur Chipstead Road, là où Phil était revenu vivre avec Flo et Charlie au milieu des années soixante. Un jour, au début de l’année 1967, Phil invita Wally à venir chez lui avec sa guitare. Cet après-midi-là, les deux amis ont écrit trois chansons ensemble. The Sun était la première. Avant de repartir ce soir-là, Wally avait accepté de rejoindre les Pretty Things et de convaincre son camarade Fenman Jon Povey de l’imiter.

“The sun
The sun will cross the sky
Cross the sky
You reach out
You reach out
But it’s too high…
Will you settle for that water touched by land?”

The Sun, qui a paru sur l’album Emotions, reste l’une des plus belles chansons du catalogue des Pretty Things, et l’une des plus évocatrices. Phil l’interprète de manière magistrale. Il caresse la mélodie avec à la fois la légèreté d’une plume et le poids des émotions.

“When the sun has passed you by
Passed you by
In the dark
In the darkness
You will cry…
And your tears will be soaked up by the sun.”

Il s’agit d’une chanson d’amour, bien entendu. « Il avait à l’époque une relation à longue distance avec une actrice américaine qui s’appellait Alexandra Hay, se souvient Wally. Elle était aux dernières places du star system hollywoodien, et elle avait signé chez un gros studio d’Hollywood. Phil l’appelait toujours « Sandy ». J’ai toujours eu l’impression que cette chanson lui était dédiée, même si je ne lui en ai jamais parlé ouvertement. » Ce surnom de « Sandy » et sa résidence en Californie ont sans doute inspiré le thème du soleil : il suffirait de remplacer « the sun » par « Sandy » au début de chaque couplet pour obtenir presque une chanson des Beach Boys.

“It’s been my fault
Yes, mine from the start
If I told you
I’ve never fallen so hard
So hard
Yes
It’s been my fault.”

Alors que Phil et Wally écrivaient The Sun, Alexandra décrochait son premier rôle crédité à la télévision dans un épisode des Monkees. Plus tard la même année, elle a joué dans deux films, Devine qui vient dîner… (avec Sidney Poitier et Spencer Tracy) et Matt Helm traqué (avec Dean Martin). Phil parle d’elle avec beaucoup de tendresse dans l’entretien qu’il m’a accordé pour le n° 37 de Ugly Things, et même s’il n’est pas certain que The Sun ait été écrite pour elle, Wally « sentait que c’était quelque chose de très personnel pour Phil, qui parlait de quelqu’un dont il était très proche ». L’histoire d’amour entre Phil et Alexandra n’a pas duré, mais ils sont restés amis et la mort d’Alexandra, en 1993, l’a beaucoup choqué. « Elle était superbe, fantastique, tout le monde l’adorait. » Ses cendres ont été répandues au large de la côte de Marina del Rey, « dans cette eau que touche la terre ».

“The sun has passed you by
In the dark
And your tears will be soaked up by the sand
Soaked up by the sand
Touching on the land
Soaked up by the sand.”

Je crois que Phil n’a jamais eu conscience du caractère extraordinaire de The Sun. À ses yeux, Emotions était un compromis artistique, une étape en direction de la liberté créatrice absolue dont il disposait sur S. F. Sorrow et Parachute. Au fil des années, j’ai souvent tenté de le convaincre de la qualité des chansons de Emotions, mais il est resté inébranlable. Ce n’est que vers la fin qu’il a fini par admettre que oui, il y avait peut-être une poignée de chansons sur ce disque qu’il appréciait. Je crois qu’il y en avait trois, et The Sun était la première d’entre elles.

Facebook, 14 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 24

Voici le vingt-quatrième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de I Can Never Say.

31 DAYS OF MAY : Jour 23. I Can Never Say est la face B du troisième single des Pretty Things, Honey I Need, sorti en février 1965. Dick Taylor venait de s’acheter une guitare acoustique à douze cordes Gibson et le son riche et résonnant de ce instrument joue un rôle majeur dans la composition des deux faces du 45 tours. Ses gratouillages folkeux vifs se marient bien avec le jeu de batterie enlevé et propulsif de Viv Prince sur I Can Never Say. De son côté, Phil s’amuse à étirer la ligne mélodique dans tous les sens avec l’aide des roulements de caisse claire de Viv.

“I can never say
Thoughts which always occupy my mind
When the time is right
Words are things that I can never find.”

Phil apporte également une dose goûtue d’harmonica avec de longues notes solitaires à la Dylan. Ils n’ont pas passé beaucoup de temps sur cette chanson et ça s’entend : écrite et enregistrée sans trop y réfléchir, sans trop en débattre. L’étincelle a surgi, ça leur a plu, une ou deux prises et basta.

Facebook, 13 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 23

Voici le vingt-troisième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Cries from the Midnight Circus.

31 DAYS OF MAY : Jour 23. Étant membre d’un groupe de rock ‘n’ roll, Phil était un habitué des nuits urbaines, du « cirque de minuit ». Il en évoquait les aspects jouissifs (les clubs, les fêtes, la musique, le sexe, le tourbillon social) dans Midnight to Six Man, en 1965. Quelques années plus tard, il en explorait les coins plus sombres et sordides dans l’une des chansons les plus fortes de l’album Parachute, intitulée Cries from the Midnight Circus. Les paroles sont de Phil et la musique, de Wally Waller.

“In the concrete valleys the electric storm
We members of the midnight circus
Our bodies so brightly adorn.
In your long sedans and your Oldsmobiles
Through that slit in your face
You ask me how it feels.”

Les paroles décrivent l’univers interlope des travailleurs du sexe, des maquereaux et des dealeurs de drogue. Dans les ténèbres, le danger et la violence règnent en maîtres. L’atmosphère menaçante de la chanson est renforcée par sa ligne de basse tendue.

Et quel effet ça fait, Phil ? « Lonely, daddy. » Ou, comme il ajoutait parfois sur scène, pour l’emphase : « It’s fuckin’ lonely. »

“Daughters of Satan all stand in line
With their faces greased and a mouth full of shine.
With iron hand you bruise the flesh
Then through a closing door you ask
Pray why the distress.
The lonely.
Hear me, can you hear me?
Can you?”

Ce monde-là, Phil le connaissait bien. « Le but n’était pas de décerner des bons ou des mauvais points, m’a-t-il expliqué. C’était de dépeindre un univers qu’on aimait beaucoup. Quand on était en tournée, on passait le plus clair de notre temps dans les quartiers chauds, parce qu’il y avait un sentiment de fraternité. Surtout à Hambourg, les groupes et les putes prenaient le petit déjeuner ensemble après être restés debout toute la nuit. Nous-mêmes, on se prostituait, et ça créait une sorte d’affinité. »

Wally prend le relais pour le pont :

“Midnight sailors can stay
We won’t send you away
See me here on my knees.”

D’autres chansons des Pretty Things font référence à la mer, mais la fascination de Phil pour les marins est un sujet pour un autre jour. À dire vrai, le « solo de guitare » de cette chanson (qui, à moins que je ne me trompe, implique du « scat » de Norman Smith passé dans une cabine Leslie) constitue un léger faux pas, mais qui n’enlève rien à la grandeur de la chanson. Cette section n’est vraiment tombée en place que lorsque Pete Tolson a rejoint le groupe, quelques mois plus tard, pour y apporter son jeu de guitare incendiaire.

Comme si la chanson n’était pas déjà assez sombre, le récit vire au cauchemar dans le dernier couplet. La voix de Phil atteint une intensité grandiose.

“You lie in the alley
With blood on your clothes.
As fingers ‘round your throat they close.
Your cries of murder
Splash on the walls
And as you die
You think of all the injustice of it all.
The lonely.”

Voilà un « midnight to six man » qui n’entendra pas sonner six heures du matin.

Phil tire sa révérence et Wally conclut :

“See Satan’s daughters’ red light
They have such good appetites
Another clown packs his drag…”

Encore une chanson sur la ville. Encore une chanson pour les gens seuls.

Facebook, 12 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 22

Oups, j’ai laissé passé quelques jours. Voici le vingt-deuxième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Walking Through My Dreams.

31 DAYS OF MAY : Jour 22.

“When I’m unhappy and in my eyes things are bad
I just have to close them, oh, and suddenly I’m glad.”

Le deuxième single des Pretty Things pour EMI / Columbia, sorti en février 1968, est la superbe Talkin’ About the Good Times. Néanmoins, à mes yeux, sa grandeur psychédélique est surpassée par la chanson qu’ils ont choisi pour lui servir de face B. Walking Through My Dreams propose une mélodie pop entêtante avec des lignes de guitare mémorables et un arrière-plan fluide avec sa basse enlevée, sa batterie qui ricoche, son piano rythmé et ses sublimes harmonies vocales. Le break de guitare fuzz de Dick Taylor, avant-gardiste et retentissant, est à tomber par terre, et la voix de Phil charrie des accents troublés et vulnérables qui correspondent parfaitement aux paroles.

“Who’ll lift my sleepy head in case the vision goes?
Here in purple velvet now where time and motion slows.”

C’est une chanson qui vous transporte, qui vous soulève et envoie votre esprit voltiger dans les cieux. Juste au moment où le rêve semble sur le point de s’achever, la chanson vous soulève à nouveau, encore plus haut qu’avant. En l’écoutant, ce matin, j’avais les larmes aux yeux et le cœur gonflé d’amour. Phil a certes quitté ce monde de pierre froid, mais il pourra toujours venir arpenter nos rêves.

Facebook, 11 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 21

Voici le vingt-et-unième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Office Love.

31 DAYS OF MAY : Jour 21. Après une longue pause, les Pretty Things firent leur grand retour en 1980 avec Cross Talk, que Phil jugeait être un de leurs meilleurs albums. Ce disque marque ses retrouvailles avec Dick Taylor, Wally Waller, Jon Povey, Skip Alan et Pete Tolson, avec qui il a coécrit la plupart des chansons. À 35 ans, Phil se retrouvait confronté à l’âge mûr, un sujet qu’il aborde avec une intensité cinglante dans ses paroles lucides. Il parle de sexe, d’adultère, de vieillesse, d’orientation sexuelle. Ses dons de parolier sont en évidence sur Office Love, un récit puissant de mensonges et de trahisons.

“It was a grey dawn, penciled in lightly
The morning screamed ‘neath the traffic’s feet
The razor burned commuter reflections
It didn’t seem a visual treat.
The office staff begins the humdrum
Making the hours and the money flow.
The guilty lovers keep their secret
And hope it doesn’t show.”

Les banlieues anglaises n’étaient pas l’habitat naturel de Phil, qui vivait à Notting Hill, et il n’a jamais fait de travail de bureau d’aucune sorte : c’était un artiste, un rockeur. Mais comme tous les bons écrivains, il observait le monde à travers les yeux de ses connaissances. Skip travaillait dans les bureaux de l’usine de son père depuis des années et les histoires qu’il racontait sur cet environnement fascinaient Phil et lui fournissaient des matières premières pour ses chansons.

“He catches the train up every morning
From his Croydon executive estate
She’s convinced he needs a new future
But she’s prepared to wait.
He swears to step cleanly from a marriage
That’s become so tangled and confused
She knows he’s lying for his pleasures.
He doesn’t see her cry.
Oh no, office love is such a bitch.
Oh no, like a knife in the back.”

La chanson est une opérette d’un réalisme brut qui juxtapose les points de vue d’un homme et d’une femme piégés dans une relation adultérine vouée au désastre.

“She goes home, knowing that it can’t go on
Her secret fear’s become too strong
Seeing what little love she has she’s losing.
He’s the type that manages to sleep at night
The guilt is safely locked away
But it was just another day, and he’s so tired.”

Tolson souligne le caractère torturé et tourmenté du récit avec un solo de guitare incendiaire avant que Phil ne conclue du point de vue de la femme, qui supporte le gros des dégâts émotionnels tandis que son amant dort paisiblement auprès de sa femme.

“Her heart seemed set on destruction
With lips drawn pale and thin.
She offered up love like a sacrifice
And he was closing in.
Her mother sat on the end of the bed
Through the dark hours of the night
Wagging her finger, saying honey
This just isn’t right.”

Phil n’a jamais été reconnu à sa juste valeur comme auteur. Il est l’un des meilleurs paroliers que le monde ait connus. À la fin de la chanson, il a su rendre ses personnages réels, il a raconté une histoire complète, pleine d’émotions complexes, et ça ne lui a pris que quatre minutes.

Facebook, 10 juin 2020

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Phil May : 31 jours, 31 chansons, épisode 20

Voici le vingtième épisode de la série 31 Days of May de Mike Stax, qui parle de Grey Skies.

31 DAYS OF MAY : Jour 20. Hier, on avait laissé Phil seul sur son banc, reflété par le ciel. Aujourd’hui, l’histoire continue, comme si on avait laissé tourner les caméras à la fin de Defecting Grey.

“You, you left me with your skies
Your skies are grey ‘til dawn
You, you left me with your rain
Like the tears I cried in vain.”

Pour se faire un peu d’argent de poche, les Pretty Things enregistraient à l’occasion des chansons pour le catalogue musical De Wolfe, sous le pseudonyme d’Electric Banana. Les séances étaient brèves et peu coûteuses et le groupe leur réservait généralement les compositions qu’ils jugeaient de moindre qualité. Elles étaient pressées par De Wolfe sur des disques aux pochettes banales et utilisées contre un paiement forfaitaire raisonnable dans des séries télé ou des films à petit budget. Enregistrée à la fin de l’année 1967, Grey Skies est l’une des six chansons du LP More Electric Banana, publié au début de 1968. Seuls quatre membres du groupe sont présents. Apparemment, Skip Alan était indisponible, donc Jon Povey a laissé ses claviers à la maison pour s’installer derrière la batterie (instrument dont il jouait cinq ans plus tôt au sein des Fenmen) et le groupe fonctionne plus ou moins comme un power trio : Dick Taylor à la guitare, Wally Waller à la basse, Povey à la batterie et Phil au chant, bien sûr. Cette version allégée fonctionne particulièrement bien ici : la ligne de basse de Wally, complexe mais adoucie par la compression, dirige la chanson, Dick fait pleurer sa guitare comme lui seul sait le faire, et Povey donne tout ce qu’il a derrière les fûts avec quelques roulements dynamiques bien sentis. L’ambiance du direct est là, et la mélodie vocale est mémorable, le ton narquois de Phil masquant ses larmes.

“You, you got me going backwards
I don’t know where to go
You, you’re driving me out of my brain
You know I’ll go insane.”

Les Pretty Things avaient déjà commencé à travailler sur S. F. Sorrow (en fait, une version primitive de I See You apparaît sur l’album d’Electric Banana) et il est probable que Phil ait eu des images de cette histoire plein la tête au moment d’écrire les paroles de Grey Skies (qui fait aussi allusion à une ancienne chanson du groupe).

“You, you left me world of sorrow
And I can’t stand the pain
You, you left me in the shadow
Will I see the sun again?”

Il répond à sa propre question sans réfléchir : “I don’t know!” Parfait.

Pour vendre la chanson à De Wolfe pour quelques kopecks, le groupe devait la considérer comme dispensable, mais je la considère depuis longtemps comme une perle méconnue. J’en ai parlé à Phil à quelques reprises, mais il n’en gardait pas le moindre souvenir. C’était typique de sa part : il allait toujours de l’avant, sans jamais regarder en arrière. Après l’acte de création, il laissait le résultat de côté pour passer à la suite. Que d’autres s’amusent à encadrer et analyser son œuvre : lui était passé à autre chose.

Facebook, 9 juin 2020

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