Parler de vaches maigres pour décrire les années 1980 des Pretty Things relèverait de la litote. Après la débâcle des séances d’enregistrement de 1981, le groupe n’a plus de contrat, plus de studio, plus de manager, plus personne. Il ne reste plus que Phil May et Dick Taylor, qui continuent à faire ce qu’ils savent faire de mieux : jouer le blues.
À partir de 1983, ils se produisent régulièrement sur la scène d’une petite boîte de nuit londonienne dont May est devenu le gérant (il faut bien manger). Autour d’eux, les musiciens vont et viennent. Leur répertoire se limite aux standards du genre, avec un ou deux vieux classiques des Pretties comme Rosalyn ou Don’t Bring Me Down pour faire bonne mesure. L’un de ces concerts est enregistré et publié en 1984 sous le titre Live at the Heartbreak Hotel. Le groupe y apparaît pour la première fois comme un septet, avec le guitariste Joe Shaw (ex-Doll by Doll), le bassiste Dave Wintour, le batteur John Clark, le claviériste Dave Wilki (s’agit-il du Dave Wilkinson qui a joué avec Chicken Shack dans les 70s ?), et le saxophoniste Kevin Flanagan.
Les Pretty Things se produisent également beaucoup en Europe continentale, surtout en Allemagne de l’Ouest et aux Pays-Bas, où ils ont su garder de nombreux fans. Ils ont l’occasion, en 1987, d’enregistrer un nouvel album à Munster, Out of the Island, qui constitue leur première parution dans ce tout nouveau format qu’est le disque compact (CD). Outre de nouvelles reprises des mêmes vieux blues, mais aussi de quelques pistes de S. F. Sorrow, il inclut deux toutes nouvelles chansons, Can’t Stop et Cause and Effect, qui suggèrent que le groupe n’est pas encore créativement mort.
En 1988, les Pretty Things retrouvent une vieille connaissance : Mark St. John. Dans son studio de Soho, le groupe entreprend l’enregistrement d’un nouvel album sous la houlette du producteur américain Denny Bridges, tandis que leur nouveau manager, Shannon O’Shea, commence à se pencher sur la question des royalties dues aux Pretties pour l’exploitation de leur catalogue par leurs anciennes maisons de disques, notamment Fontana (rachetée par Phonogram) et EMI.
Au bout d’un an de travail sur le nouvel album, les bandes sont mises de côté : le résultat ne convainc personne, et on sent que les musiciens avaient davantage la tête à s’amuser qu’à travailler. Une nouvelle formation est mise sur pied autour de l’indéboulonnable tandem May-Taylor, avec St. John à la batterie, Steve Browning à la basse et Frank Holland comme deuxième guitariste. Un maxi 45 tours, Eve of Destruction / Can’t Stop / Going Down Hill, est publié en Grande-Bretagne en septembre 1989, mais il passe inaperçu.
Tandis que Phil May et Dick Taylor continuent à se produire sur le continent avec divers musiciens, Mark St. John, qui a remplacé Shannon O’Shea comme manager du groupe, se lance à son tour dans l’enfer des procédures judiciaires. Il en ressort quasiment ruiné, mais parvient en 1993 à arracher un accord à l’amiable avec EMI, qui rend au groupe les masters originaux et leur verse une somme d’argent non divulguée. Un accord similaire est conclu avec Phonogram l’année suivante. Plus rien ne s’oppose à la parution de rééditions officielles remasterisées des anciens albums des Pretties, qui commencent à voir le jour chez Snapper Records à la fin des années 1990.
Une autre conséquence positive de ces démêlés judiciaires, c’est qu’ils permettent de renouer le contact avec d’anciens Pretty Things. Des répétitions avec Wally Waller, Jon Povey, Skip Alan et Peter Tolson commencent en avril 1994. Tolson lâche l’affaire en octobre et Frank Holland reprend sa place de deuxième guitariste. La réunion de la formation légendaire du groupe, annoncée en fanfare par Mark St. John, fait ses premiers pas sur scène le 26 septembre 1995 au 100 Club de Londres afin de promouvoir la compilation Unrepentant, une anthologie retraçant les trente ans de carrière du groupe.