Voici une tentative de traduction de l’histoire qui figure dans le livret de S. F. Sorrow. L’écriture de Phil May a une qualité très orale, avec des phrases pleines d’appositions bizarres, qui n’est pas forcément évidente à rendre en français de manière élégante. Je ne prétends pas que le résultat de mes efforts soit parfait, mais j’espère qu’il communique un peu de cette atmosphère hallucinée qui règne dans l’histoire de « Sébastien Chagrin ».


La petite ville grise était à peine à une douzaine de kilomètres de tout, et ses briques grises absorbaient la lumière blanche du soleil. L’usine à malheur était en plein milieu, ç’avait été une année de croissance. Les hautes cheminées de l’usine émettaient de gros nuages noirs de son importance qui flottaient au-dessus de la ville. La croissance se maintenait. Chaque matin, les ouvriers étaient aspirés hors de leurs maisons, alignées comme des rangées de dents cariées en longs colliers accrochés au cou des collines environnantes, une nouvelle journée. C’est lors d’une de ces journées qu’un jeune couple arriva du Nord et s’installa au numéro trois. Les Chagrin, car tel était leur nom, se firent bientôt aux us de la ville, tandis que la croissance se maintenait. Quelque temps plus tard, lors d’une nuit où l’on ne pouvait voir la moindre étoile, madame Chagrin donna naissance à un garçon.

S.F. Sorrow Is Born

Les Chagrin l’appelèrent Sébastien F. Personne ne savait ce que voulait dire le « F. », et tout le monde s’en fichait, en fait. Tout au long de son enfance, son imagination chuchota d’étranges idées à son esprit, un échange courant que connaissent la plupart des enfants. La nuit, il rêvait de la Lune.

Bracelets of Fingers

Lorsqu’il fut assez vieux, il fit comme son père et alla travailler à l’usine à malheur, mais le travail commençait à manquer et les plus vieux ouvriers furent renvoyés. Tout le monde disait que la croissance, c’était fini, et c’était bel et bien le cas. L’imagination de Chagrin cessa de chuchoter, car cela faisait longtemps que son esprit ne l’écoutait plus. La majeure partie de son être se retrouva à l’abandon, mais son cœur prit son envol et il tomba amoureux de la voisine d’à côté.

She Says Good Morning

Ils rêvaient de fuir la petite ville, de se marier et d’aller vivre ailleurs. Sébastien rêvait toujours de la Lune. L’usine à malheur ferma ses portes, elle n’avait plus de raison d’être, la guerre avait été déclarée. Sentant l’appel du devoir, le jeune Sébastien s’engagea dans une compagnie d’infanterie très légère. Il quitta la petite ville, c’était la recrue Chagrin dorénavant. La guerre dura plusieurs années, comme la plupart des guerres, et le malheur planait au dessus des sombres tranchées comme un grand oiseau noir.

Private Sorrow

Lorsque la paix fut finalement déclarée, il se retrouva dans un étrange pays nommé Amérike. On construisait beaucoup de nouvelles usines à malheur, plus grandes que les anciennes, il y avait du travail pour tout le monde. Ayant décidé d’en faire sa patrie, Sébastien envoya à son amour d’enfance un billet de ballon et attendit qu’elle le rejoigne. Toute la petite ville était là pour lui dire au revoir lorsqu’elle s’envola à bord du Windenburg. Au revoir, petite ville, au revoir. Le ballon arriva tard dans la soirée, et Chagrin put la voir l’espace d’une seconde, debout et souriante, avant que les flammes oranges ne l’engloutissent dans leur lumière.

Balloon Burning

La pelle de son chagrin l’enterra avec tristesse.

Death

La solitude s’empara de Chagrin tandis qu’il errait entre les hauts arbres de béton de New York. Son nom était sur toutes les lèvres, les usines à malheur étaient très occupées. Un soir, alors qu’il écoutait ce murmure dans Central Jardin, il fut abordé par un homme très distingué portant un grand chapeau de soie. Comme la nuit, il était enveloppé d’un manteau de ténèbres.

Baron Saturday

« Me prêterez-vous vos yeux ? » demanda l’étranger, mais il n’attendit pas la réponse. Il les prit, c’est tout. C’est alors que toutes sortes de choses commencèrent à se produire. Le Jardin disparut et il fut soulevé jusqu’aux toits de New York. Sa tête était pleine du bruit des ailes des moineaux alors qu’il s’efforçait de déchirer le nuage humide et étouffant plaqué sur son visage. Chagrin se fatiguait. Il voulait se reposait. Il DEVAIT se reposer. Il s’étendit, laissant le sommeil chaud et liquide se déverser sur lui.

The Journey

Le ciel s’assombrit, mais ils poursuivirent leur course. À travers cette immense étendue de velours noir, au-delà d’étoiles étincelantes et pétillantes qui crachotaient des coupes de lumière. Toujours plus haut, toujours plus loin. Encore et encore. Le baron Samedi, fléchette de papier noire, les talonnait de près et les aiguillonnait de son fouet d’insultes. « Plus vite, mes mignons ! » criait-il. Ils approchaient de ce que S. F. pensait être la Lune et il se rendit compte que ce n’était pas du tout la Lune. C’était le visage déformé d’un homme plongé dans un sommeil torturé. C’était son propre visage. Ils atterrirent sur des lèvres écartées. Le baron Samedi entraîna un Chagrin terrifié à travers l’arche de la bouche. Ils poursuivirent leur chemin dans une chaleur rose et pulpeuse. Accroché à sa peur, Chagrin résistait encore. Le baron Samedi ouvrit grand une double porte en chêne derrière laquelle s’étendait un long couloir bordé de miroirs. Sombre. Dans chacun des miroirs, un fragment de sa vie le regardait. « Étudie-les bien », murmura le baron. Sa vie était suspendue comme une balançoire aux murs du couloir. Les événements passés le suçaient tandis qu’il avançait d’un pas rapide. Des voix de sa jeunesse l’appelaient par son nom. « Chagrin », « Chagrin ». Il se couvrit le visage avec les mains, mais ses yeux lui brûlèrent les doigts. Au bout du Couloir, ils gravirent les mille marches d’un escalier en colimaçon qui montait encore et encore. En arrivant au sommet, il put voir, à travers deux immenses fenêtres opaques, la plus triste de toutes ses visions. Chagrin se détourna.

I See You

Où est-ce que tout ça va mener La question reçut une réponse dès qu’elle fut formée. Le baron Samedi l’attendait sur le pas de la porte qui menait au Puits du Destin.

Well of Destiny

Au matin, le lourd manteau du rêve ayant glissé de ses épaules, Sorrow partit à la recherche de nouvelles valeurs.

Trust

Il retraça ses pensées au long des rues humides, des visages vides s’alignaient le long du trottoir. Ils ne seraient pas sauvés. Son esprit fit la roue en voulant comprendre. Les usines à malheur ne firent que grandir et Chagrin ne fit que vieillir.

Old Man Going

La folie de Sébastien édifia une sorte d’enceinte autour de lui, masquant la lumière jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les ténèbres.

Loneliest Person

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