Après son départ des Pretty Things, Phil May s’est réfugié à Paris. À l’été 1976, il s’installe avec sa famille dans une péniche sur les bords de Seine, gracieusement louée par son vieux copain Philippe Debarge. L’année précédente, il avait aidé ce dernier en participant à la production de l’album Il Barritz. Le démon de la musique ne vous lâche pas facilement… Peter Grant le convainc de tenter un album solo, mais les séances d’enregistrement de l’hiver 1976 aux studios Rockfield, dans les collines du pays de Galles, ne donnent rien. C’est au moins l’occasion pour May de retravailler avec de vieilles connaissances, Peter Tolson, Skip Alan et surtout Wally Waller, dont la carrière de producteur n’a jamais vraiment décollé.
Au printemps 1977, May et Waller rejoignent les Fallen Angels, un supergroupe bringuebalant porté par le guitariste Mickey Finn. Avec l’aide de Bill Lovelady (guitare), Jack Johnston (claviers) et Chico Greenwood (batterie), ils enregistrent une douzaine de chansons en juillet lors d’un séjour fortement alcoolisé à Genève. Il en sort un album, Phil May & the Fallen Angels, mais il n’est édité que de manière confidentielle aux Pays-Bas en 1978, alors que les Fallen Angels ont déjà cessé d’exister depuis belle lurette. La même année, on peut également trouver trace d’autres chansons de Phil May et Wally Waller dans les publications DeWolfe, toujours une valeur sûre lorsqu’il s’agit de faire rentrer un peu d’argent : The Return of the Electric Banana et Do It.
En 1978, les Pays-Bas sont le théâtre d’un événement autrement plus intéressant : la renaissance des Pretty Things. Et avec Dick Taylor, qui plus est ! C’est un ami hollandais du groupe, Pete Dello, qui a convaincu les cinq membres du groupe de la belle époque (May, Waller, Taylor, Alan et Jon Povey) de monter sur scène pour un concert unique au Midas Club d’Alphen aan den Rijn. Devant 600 personnes, ils offrent une prestation plutôt correcte pour des musiciens qui n’ont pas joué ensemble depuis des années. La belle histoire vire à l’aigre lorsque Dello publie un enregistrement pirate du concert dans leur dos, Live ’78, mais elle aura au moins eu le mérite de relancer la machine.
Un nouveau contrat est signé avec Warner Bros. et les Pretty Things peuvent enregistrer leur neuvième album entre février et mars 1980. Le groupe est dans une configuration inédite à six membres dont deux guitaristes, Dick Taylor et Peter Tolson. Les séances ne sont pas faciles : la plupart des musiciens ont des petits boulots à côté, et la drogue est toujours au rendez-vous, évidemment. Le groupe parvient tout de même à mettre en boîte dix chansons avec un son remis au goût du jour, résolument new wave. Cross Talk sort au mois d’août, mais encore une fois, l’univers se ligue contre le groupe : un premier pressage foireux (les deux faces du disque sont identiques…), une promotion quasi-inexistante et un scandale de payola contribuent à ce qu’il coule sans laisser de traces. La tournée de promotion en Europe tourne court lorsque le promoteur s’enfuit avec la caisse. No future.
Une dernière possibilité de rebondir s’offre aux Pretty Things lorsque Mark St. John, un fan acharné, les convainc d’essayer les studios Freerange, dans le quartier londonien de Covent Garden, où il travaille depuis quelques mois. Ils y enregistrent une poignée de chansons au printemps 1981, avec Simon Fox (ex-Be-Bop Deluxe) en remplacement d’un Skip Alan trop pris par son « vrai » travail, mais le projet tourne court : la motivation n’est pas vraiment au rendez-vous, et quand May et Povey se brouillent à cause d’une femme, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
En guise d’épilogue à cette période, signalons le caméo des Pretty Things dans Le Club des monstres, un film d’horreur fauché sorti en avril 1981. Ils apportent une chanson, la bien nommée The Monster Club, à la bande originale, et la miment sur scène lors des dernières minutes du film : un témoignage audiovisuel rare, sinon unique, du sextette de Cross Talk.
Suite : Les années perdues (1981-1998)